Par Claude Coquart
Un grand nombre d’études, tant de sociologues que de pédiatres ou de psychanalystes, ont souligné toute l’importance de la présence des pères à la naissance de l’enfant et dans les mois qui suivent. Outre l’incarnation qu’apporte celle-ci au rôle du père, elle pose les premiers jalons d’un développement harmonieux de la personnalité de l’enfant.
Sous le gouvernement de Lionel Jospin et à l’initiative de Ségolène Royal, un congé de paternité est entré en application le 1er janvier 2002. Il concerne tous les salariés, quelles que soient leur ancienneté ou la nature de leur contrat et doit débuter dans les 4 mois qui suivent la naissance de l’enfant. Il est de 11 jours et 18 jours en cas de naissance multiple, qui s’ajoutent aux 3 jours d’absence prévus pour une naissance.
C’était une étape importante mais qui nous laisse encore loin derrière les pays du Nord de l’Europe, précurseurs en ce domaine. En Norvège par exemple, le congé parental comprend une période de 3 mois exclusivement réservée aux pères. Cette évolution législative rencontre en France des obstacles culturels forgés au cours de longues décennies et qui attribuent à l’homme et à la femme des rôles bien définis. A l’homme de subvenir aux besoins de la famille et à la femme de s’occuper des enfants et de la bonne marche du foyer. En 2004, seuls les deux tiers des pères prenaient leur congé de paternité. Les jeunes sont plus motivés, ce qui peut susciter un certain optimisme pour l’avenir.
Rendre obligatoire le congé de paternité en le réformant pour lui donner une durée plus importante semble indispensable pour que chaque père puisse remplir pleinement son rôle en ce domaine. Son caractère facultatif laisse actuellement la porte ouverte à d’éventuelles pressions de l’employeur ou à de l’auto-censure de la part des salariés. Ce n’est jamais « le bon moment » et le fait de prendre ce congé peut être perçu explicitement ou implicitement comme un désinvestissement à l’égard de son travail, d’où l’importance de le rendre obligatoire.
Allonger ce congé répond certes au souci de rééquilibrer les rôles au sein de la famille mais cela permet aussi d’œuvrer en faveur de l’égalité professionnelle homme-femme. Aujourd’hui, les interruptions de carrières liées aux naissances provoquent chez les femmes d’importants retards salariaux et des préjudices certains pour de possibles promotions. Avec l’allongement du congé de paternité, le « risque parental » sera mieux réparti entre le père et la mère. Tant que la femme portera seule le risque potentiel d’une absence longue pour cause de parentalité, elle ne pourra pas, dans le regard des employeurs tant privés que publics, représenter un agent pleinement investi dans la vie de l’entreprise, à qui l’on peut confier des responsabilités supplémentaires.
Certes, cette réforme a un coût : la CFDT a chiffré à 1,5 milliard d’euros un allongement de 2 mois du congé de paternité, ce qui n’est pas négligeable. Mais face à cela, il convient de prendre en compte l’éventuelle économie pour la collectivité dans le cadre des structures d’accueil, grâce au temps que le père passera avec l’enfant. Mais surtout, une telle réforme constitue un levier très important pour moderniser notre société et la rendre plus juste et efficace. Et aussi fortifier la place du père dans la famille.