Par Karine Metayer
L’Insee vient de publier une étude sur la pauvreté des enfants en France, les résultats sont alarmants[1] : la pauvreté des enfants est en augmentation constante depuis la crise : elle touche plus de 2,6 millions d’enfants en 2010[2] soit une augmentation 1,9 point en un an. Le fait que les familles monoparentales et les couples avec enfants soient davantage concernés par la hausse de la pauvreté que d’autres catégories de population traduit le même phénomène ». Pourtant, selon l’Unicef[3], la France est l’un des pays qui consacre le plus d’argent public à la lutte contre la pauvreté des enfants : 3,7 % de son PIB contre 2,2 % pour la moyenne des pays étudiés, mais il reste que, après aide publique, la proportion d’enfants pauvres est toujours de 8,8 % de l’ensemble des enfants de France, ce qui place la France en 14e position des 35 pays étudiés : le résultat n’est pas brillant.
- Qu’est-ce qu’être un enfant pauvre en France ?
Pour l’Unicef, « Etre un enfant pauvre, c’est certainement grandir dans un environnement qui ne permet pas toujours de se développer comme il le faudrait : accès aux soins entravé, conditions de vie parfois délétères, aide à la scolarité trop souvent défaillante, plus grande exposition aux risques sociaux et aspiration dans la vie plus limitée… ». A ces formes de pauvreté s’ajoutent tous les « enfants invisibles », qui échappent aux statistiques, et pour lesquels, pourtant, les disparités sont les plus grandes : enfants issus de familles en situation administrative précaire (présence illégale sur le territoire français), qui vivent en institution, dans des logements temporaires ou à la rue, dans des hôtels sociaux, foyers pour réfugiés ou demandeurs d’asile, à l’hôpital ou encore en prison… La France est également le pays de l’OCDE où l’impact de l’origine sociale sur les résultats des élèves est le plus élevé avec un système scolaire français qui accroît les inégalités de départ.
Cette réalité trouve un écho particulier chez les enfants eux-mêmes, qui pour la première fois, s’expriment dans un sondage IPSOS Secours Populaire : devenir pauvre, c’est aujourd’hui la crainte de plus d’un enfant sur deux (58% des 8-14 ans)[4].
- Des réflexions et propositions d’acteurs
Certains acteurs font déjà des propositions très concrètes : ainsi l’Unicef, dans son Manifeste pour l’enfance, propose un droit à la compensation de la pauvreté pour les enfants. L’idée, c’est de permettre aux enfants en situation de pauvreté de grandir auprès de leurs parents, tout en satisfaisant les besoins essentiels à leur développement. La compensation, évaluée à échéance régulière, selon chaque enfant, au regard de ses propres besoins, peut se traduire dans sa vie quotidienne par une aide matérielle ou humaine : l’aider concrètement dans sa scolarité, favoriser l’accès régulier aux sports et aux loisirs, permettre une visite médicale régulière, le doter d’un équipement (bureau, ordinateur, accès internet)…
Les acteurs de l’économie sociale insistent quant à eux sur la nécessité d’agir le plus en amont sur la situation des familles et des enfants, et ce dès leur plus jeune âge. Il s’agit notamment de rendre effectif le droit des parents bénéficiaires de minima sociaux à bénéficier d’une place dans les crèches. En effet, une place par tranche de 20 enfants doit être réservée à cet accueil dans les modes de garde collectifs, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Il s’agit également de favoriser l’accès à un mode d’accueil pour les parents en recherche d’emploi ou en formation. De manière plus globale, Dominique Versini, alors Défenseure des enfants, avait formulé des recommandations sur la précarité et la protection des droits de l’enfant en novembre 2010.
- Le gouvernement semble se mobiliser…
« l’enjeu est de taille pour notre système de protection sociale », indiquait la ministre des Affaires sociales et de la Santé[5] : « Il faut à la fois préserver sa vocation universelle (…), et engager des actions très ciblées(…) ». Le gouvernement entend cibler l’aide sur les familles
Marisol Touraine identifie des situations de plus grande fragilité, telles que :
– le fait de vivre dans une famille monoparentale (1 enfant pauvre sur trois en 2009 vit dans une famille monoparentale)
– le fait d’avoir des parents inactifs (1 enfant pauvre sur 2 a au moins un parent inactif)
C’est pourquoi la pauvreté des enfants fera l’objet d’une conférence nationale les 10 et 11 décembre.
Dans un quinquennat où la jeunesse, et on peut l’espérer l’enfance, a été placée au cœur du projet présidentiel, espérons que ce sujet ne restera pas qu’un sujet de concertation et que le gouvernement passera rapidement à l’action.
[1] L’Insee calcule le seuil de pauvreté à 60% (et non 50% comme l’Unicef) du niveau de vie médian de la population qui correspond à 964 euros mensuels en 2010.
[2] Disponible sur : http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1412
[3] Communiqué de presse « Pays riches : des dizaines de millions d’enfants dans la pauvreté », relatif au Bilan Innocenti 10 : Mesurer la pauvreté des enfants, Unicef, 25 mai 2012
[4] La pauvreté inquiète les adultes et révolte les enfants, dossier disponible sur le site du Secours Populaire
[5] Communiqué de presse « Marisol Touraine s’engage pour la réduction de la pauvreté des enfants en France », jeudi 31 mai 2012.