A l’heure où la confiance des Français dans les hommes politiques est au plus bas, à l’heure où la cote des partis politiques, à l’exception du Front National, se réduit voire s’effondre, près de quatre cents personnes se sont déplacées le 15 octobre 2014 pour discuter d’une question fondamentale pour l’avenir de la politique : pour faire vivre la démocratie, comment retrouver le sens du politique ?
Avec Daniel Cohn Bendit, Jean-Louis Bianco et le collectif L’avenir n’attend pas, j’ai organisé les débats de telle manière que l’on puisse réserver une large partie de la séance à l’écoute des participants qui se sont tour à tour interrogés sur la sincérité et la vérité des discours politiques, sur la capacité des États à transformer la société pour la rendre plus juste, ou encore sur le poids de la finance globalisée face aux salariés de l’industrie.
Ces centaines de personnes qui n’étaient pas des militants, qui n’étaient pas (ou plus) dans un parti, sont restées pendant trois heures en espérant trouver les moyens de croire à nouveau en la politique pour ré-enchanter la France. Ils ont aussi, par leur écoute et leurs interventions, confirmé ce que nous savions depuis longtemps : les Français se passionnent pour la politique et la chose publique. Ils le prouvent tous les jours, de moins en moins en allant voter mais de plus en plus en participant à des collectifs, en adhérant à des associations, en se mêlant des affaires locales dans les conseils de quartiers comme sur internet ou même en suivant de plus en plus les émissions politiques à la télévision.
Quel besoin ont-ils exprimé ? Une demande criante de vérité, non pas comme un absolu philosophique mais comme une vérité qui se dit au jour le jour. Par exemple quand des groupes de pression refusent tout changement et n’hésitent pas à bloquer le pays parce que leurs intérêts particuliers sont menacés, il faut expliquer pourquoi le gouvernement recule, pourquoi une promesse faite pendant la campagne électorale ne peut être tenue à cet instant ; cela permettrait de ne pas porter atteinte à la crédibilité des promesses de campagne mais aussi à celle des projets d’avenir.
Encore faudrait-il pour cela renoncer au renoncer au sectarisme, voire même, dans certains cas, accepter d’être d’accord avec ses adversaires. En quelque sorte, il faut renoncer au manichéisme de l’antagonisme. C’est quand nous saurons sur quoi nous sommes d’accord que nous pourrons nous battre sérieusement sur ce qui nous oppose ; et, que la gauche ne s’inquiète pas, il y a encore beaucoup de choses qu’elle ne partage pas avec la droite !
À cette réunion là, des propositions ont été faites pour agir sur les partis et pour lutter contre l’apathie politique. Contre l’apathie, la parité active doit devenir une condition de recevabilité aux élections législatives et sénatoriales dans les zones gagnables. Arrêtons de réserver aux femmes (voire aux minorités) celles qui sont perdues d’avance. Ouvrons 10% de la direction du parti aux non-encartés. Deux propositions iconoclastes ont aussi été défendues : un quota des instances dirigeantes réservé aux membres d’associations (pas les faux nez des partis politiques) ou aux entreprises de l’économie sociale et solidaire qui accepteront d’y participer ; un autre quota tiré au sort parmi des concitoyens qui se porteront volontaires. On pourra ensuite l’étendre aux conseils municipaux pour qu’ils s’ouvrent à quelques représentants tirés au sort.
Contre la coupure entre les élus et le peuple, soutenons l’institution du référendum d’initiative populaire. Certes les résultats ne seront pas toujours ce qui est espéré mais la vitalité de la démocratie est à ce prix. Ouvrons enfin nos urnes aux résidents non communautaires : comment accepter que des étrangers qui paient leurs impôts et cotisations sociales en France, mettent leurs enfants dans les écoles publiques, vivent dans nos villes soient exclus du suffrage universel ?
Filmons les conseils des exécutifs locaux et rendons obligatoire leur publication en ligne : non par goût de la transparence pour la transparence, mais parce que la parole politique ne retrouvera sa légitimité que lorsque les problèmes seront exposés, que les débats seront montrés, que les difficultés ne seront pas tues.
Le débat l’a montré : on n’attend pas d’un parti politique qu’il soit une petite démocratie à lui tout seul, mais on attend de lui des missions bien claires. D’abord et avant tout, qu’il dise ce qui est et ce qui doit être, qu’il soit ainsi, pour reprendre les mots d’Edgar Pisani, « du côté du long terme silencieux et pas seulement du court terme hurlant ».
Mais surtout, qu’il soit force de propositions, qu’il donne une direction générale, ambitieuse et inspirée, à l’action publique, qu’il trace des perspectives d’avenir et puis qu’il raconte notre vie future, qu’il nous montre le chemin vers l’utopie. Ensuite qu’il fasse émerger des représentants du peuple, qu’il les forme, qu’il les accompagne dans l’apprentissage des responsabilités, mais qu’il les sanctionne aussi, sans faiblir lorsqu’ils renoncent ou lorsqu’ils se dévoient.
La vitalité démocratique de la France est un signe d’espoir pour les hommes politiques. Qu’ils reconnaissent leurs erreurs ou leur renoncement ferait progresser la confiance qu’ils inspirent ; leur volonté d’agir pour le bien du pays et leur capacité à porter une « utopie plausible » n’en seraient que plus fortes et plus crédibles pour construire, progressivement, la France de demain.
Juliette Méadel, Porte-parole du PS, Présidente et co-fondatrice de l’avenir n’attend pas.