Par Juliette Méadel, et Jules Vrin.
La suppression du CDI est présentée comme la panacée : elle libèrerait les chefs d’entreprise des contraintes juridiques qui les empêchent de recruter et de licencier facilement, et aussi simplement que la création de valeur ne l’exige. Les thuriféraires de la suppression du CDI pensent en effet que le marché du travail français mériterait d’être assoupli. Cette vision repose sur une double imposture.
La première imposture concerne la « rigidité » du droit du travail français. Non, le marché du travail français ne manque pas de flexibilité. D’une part, la France est l’un des pays d’Europe où le taux de salariés en CDD est le plus important : en 2012, 10,3 % des salariés sont en CDD (comprenant parmi eux 20 % d’apprentis et 6 % de contrats saisonniers) et 2,8 % des salariés sont intérimaires. Deuxièmement, les chefs d’entreprises disposent d’outils juridiques leur permettant, lorsqu’ils respectent la loi, de rompre le contrat de travail et même de trouver un accord avec le salarié au moyen du départ négocié. En revanche, les difficultés commencent en cas de contentieux. Les jugements des tribunaux des prud’hommes sont longs et aléatoires, ce qui n’est pas propice au retour à l’activité du salarié, et entrave la visibilité du chef d’entreprise qui souhaiterait recruter rapidement. Néanmoins, la suppression du CDI ne changera rien à l’organisation des conseils de prud’hommes qui mériteraient d’être professionnalisée ou améliorée comme le prévoit d’ailleurs la récente réforme engagée par les pouvoirs publics.
La deuxième imposture concerne l’impact économique attendu de la suppression du CDI. La fin du CDI ne permettra pas de faire diminuer le chômage, dont l’origine se trouve dans la faiblesse de la capacité de la croissance à créer de l’emploi. Au delà des mesures en faveur de l’investissement des entreprises, les pouvoirs publics doivent s’attacher au contraire à limiter la précarité des CDD, en misant sur la formation initiale et professionnelle et en améliorant les transitions entre les différents régimes. Les exemples étrangers, et notamment des pays du Nord de l’Europe, sont à cet égard instructifs : il faut jeter les bases de l’instauration d’une sécurisation des parcours dans l’emploi en France pour faciliter l’évolution professionnelle. Enfin, la simplification administrative et l’assouplissement des formalités qui pèsent sur l’activité des entreprises doivent être accélérés : réduire les complexités et les incertitudes liées à l’obtention de subventions, d’autorisations diverses, comme le gouvernement l’a d’ailleurs lancé.
Loin du simplisme et de l’effet facile du slogan « il faut supprimer le CDI », ces propositions permettraient de modifier en profondeur le fonctionnement du marché du travail, d’améliorer la qualité de l’emploi, les conditions de travail et, à terme, de faire baisser le chômage.