Pourquoi vouloir la parité? Pour changer la manière dont s’exerce le pouvoir. Voici une contribution intéressante de Emmanuelle Auriol dans le Monde du 21 mai 2012..
Alors que la France vient de se doter d’un nouveau gouvernement, la parité promise par François Hollande est au rendez-vous du nouveau quinquennat.
Au-delà des enjeux d’équité que représente un tel choix, on peut s’interroger sur les conséquences économiques de la présence accrue des femmes en politique.
Dans la sphère privée, après avoir longtemps considéré la famille comme une entité homogène (les » ménages « ), les économistes la conçoivent aujourd’hui comme un agrégat de personnes avec des objectifs pas forcément identiques, ni même concordants. En apparence anodin, ce changement de paradigme a pourtant des conséquences pratiques très importantes. Ainsi, dans les pays pauvres, des études ont montré que les femmes ne font pas les mêmes choix que les hommes. Lorsqu’on leur accorde une subvention, ces dernières privilégient la santé et l’éducation de leurs enfants, alors que les hommes accroissent leurs investissements et leur consommation personnelle. Cette différence de comportement a conduit les bailleurs de fonds comme la Banque mondiale, mais aussi les Organisations non gouvernementales, à réorienter, dans les années 2000, leur politique d’aide en faveur des femmes. Ainsi, 70 % des microcrédits dans le monde leur sont attribués.
Plus de femmes dans les pays riches
Autant il est aisé d’identifier des effets causals à l’échelle des ménages, par exemple en réalisant des expériences, autant cela est difficile à l’échelle des Etats. Les chercheurs ne sont pas en mesure d’influencer les décisions politiques et doivent se contenter d’exploiter les données existantes, qui sont rarement adaptées à des études de causalité.
Par exemple, il y a plus de femmes qui participent à la vie publique dans les pays riches que dans les pays pauvres. Doit-on en conclure que la parité est source de croissance économique, ou plutôt que la croissance conduit à une plus grande égalité entre les sexes, ou encore, les deux à la fois ? Sur la simple base de données concernant les pays, c’est impossible à déterminer.
En dépit de ces difficultés, des études ont réussi à établir un lien de causalité entre la présence des femmes en politique et les politiques observées. La plus célèbre, réalisée par Esther Duflo et Raghavendra Chattopadhyay sur des données indiennes, a montré que les élus ont tendance à mettre en oeuvre les projets importants pour les personnes de leur sexe. Ainsi les femmes seraient plus à l’écoute des besoins des femmes, en l’occurrence l’eau potable au Rajasthan et les routes et l’eau au Bengale-Occidental, et les hommes de ceux des hommes, en l’occurrence les routes au Rajasthan et l’éducation au Bengale. Dans une étude récente sur les municipalités brésiliennes, Fernanda Brollo et Ugo Troiano confirment ces différences. Dans leur échantillon, les femmes sont de meilleures gestionnaires, et font plus d’effort en matière de santé.
Même si beaucoup de travail reste à faire pour mieux comprendre les enjeux économiques de la parité, les études montrent que les hommes et les femmes n’ont pas les mêmes préférences, ni les mêmes préoccupations, et du coup ne mettent pas en oeuvre les mêmes politiques. Avoir une gouvernance au diapason de notre société passe donc par plus d’égalité.
Emmanuelle Auriol
Emmanuelle Auriol
Ecole d’économie de Toulouse