Contribution de Aimé Béraud chef d’entreprise et membre de l’Avenir n’attend pas et de Guillaume Bonello .
L’explosion de la bulle interne au début des années 2000 aurait pu laisser penser que la révolution industrielle liée aux technologies du numérique avait été stoppée net en plein envol trop prometteur. Il n’en est rien, aujourd’hui, presque 15 ans après, tout ce qui avait été imaginé à l’époque et que l’on pensait irréalisable est en train de se produire en dépassant toutes les prévisions de l’époque.
En effet, l’impact est tel que l’on estime que 70% des filières industrielles seront profondément transformées par les technologies du numérique avec comme effet principal de faire tomber les barrières à l’entrée de ces industries et donner la chance à de nouveaux entrants de devenir rapidement des leaders au détriment des entreprises installées depuis longtemps.
La révolution du numérique est en train de transformer l’industrie capitaliste qui existe depuis le 19ème siècle en une industrie de l’entreprenariat ce qui change drastiquement la donne en termes de stratégie. Alors que l’industrie capitaliste constituée des barrières à l’entrée fondées sur des avantages concurrentiels en termes de capitaux investis, l’industrie entrepreneuriale se base sur des avantages concurrentiels portés par les idées. De ce point de vue, nous sommes en train d’assister à une industrie qui passe de la main d’œuvre à « l’esprit d’œuvre ».
Cette révolution industrielle arrive au moment où la nouvelle génération (les millenials, génération Z…) a compris et fait complètement sienne l’idée que le mérite ne permet plus d’évoluer professionnellement dans le monde industriel actuel. Fini l’ascenseur social, fini la méritocratie, reste un monde professionnel profondément oligarchisé où le carnet d’adresse et les réseaux de connaissances extra-professionnels comptent plus que le travail accompli ou les diplômes décrochés. Cette désillusion a conduit la nouvelle génération à centrer leur projet de vie sur la réalisation d’un bonheur personnel et de penser leur projet professionnel sur cette réalisation de soi. En utilisant les technologies numériques, ces derniers ont trouvé le moyen de réaliser cet objectif.
L’effet combiné de ces différents éléments, conduit les entreprises a radicalement changer leur mode d’organisation interne et à révolutionner leur approche managériale. En effet, la valeur de l’entreprise repose sur la qualité du capital humain et sa puissance de créativité. Le maintien d’un haut niveau de créativité (innovation) nécessite d’adopter une organisation qui privilégie la réalisation de chaque salarié qui devient pleinement un collaborateur associé à la stratégie de l’entreprise.
La révolution du numérique n’apporte pas seulement un changement de paradigme en terme de redistribution des leaderships industriels à l’échelle planétaire, mais elle engendre également un changement de paradigme en terme de société, par l’impact sur l’organisation du travail à l’intérieur comme à l’extérieur des entreprises privées ou publiques, mais également vis-à-vis de l’aspiration des hommes à vivre heureux et plus libre d’exercer une activité professionnelle en plein accord avec leur aspiration personnelles profondes.
Face à ce changement, le parti socialiste se doit de relever le défi d’imaginer le fonctionnement politique de demain, comment imaginer un cadre législatif capable d’intégrer cette révolution, comment agir face à la disparition du salariat tel que nous le connaissons, comment accompagner les citoyens dans un parcours professionnel ultra individualisé, comment repenser les bases de la « sécurité » sociale et de la retraite dans un contexte. Et même, comment imaginer un parti politique au moment où les individus accèdent à une liberté d’action qui bouleverse la hiérarchie politique telle que nous la connaissons. C’est en fait bien plus qu’une 6ème république que le PS doit inventer pour ce nouvel ordre mondial et sociétal.