Par Miche Rose
Lors de sa visite de rentrée au Collège Louise Michel à Clichy-sous-Bois, le Président de la République a annoncé un grand plan numérique pour l’école afin « que les élèves puissent être pleinement préparés aux besoins de l’économie ». « La France doit être la meilleure dans le numérique pour avoir les meilleures entreprises », a ajouté François Hollande [1].
Sans en connaître les axes, on peut supposer que ce plan apportera des réponses à la question suivante : comment les équipes peuvent-elles mieux enseigner aux jeunes scolarisés, nés avec internet et les réseaux sociaux ?
Depuis près de 10 ans, le numérique s’est installé dans le fonctionnement et l’organisation de l’école. Il est devenu incontournable, reliant au savoir la communauté éducative et les élèves. Plus largement, l’informatique a pris une place considérable en tant qu’outil pédagogique et organisationnel.
Et nous sommes loin du virtuel.
Concrètement, les chefs d’établissements savent qu’ils peuvent s’appuyer sur les logiciels Sconet et Pro-note pour gérer bien les aspects quotidiens de la vie scolaire (effectifs, emploi du temps, relevés de notes [2], etc.). En complément, grâce aux Espaces numériques de travail (ENT), les enseignants construisent les parcours d’orientation et gèrent leurs groupes pédagogiques.
Les dernières enquêtes d’opinion sur le sujet montrent qu’une très large majorité d’élèves et d’adultes voient dans le numérique un outil permettant d’améliorer la transmission du savoir. 48% des personnes interrogées déplorent le retard de la France sur le numérique [3].
Il n’y a plus de « fracture ». Toutefois, la brèche numérique à l’Ecole demeure inacceptable en vertu du principe d’égalité devant le service public. Chaque enfant devrait disposer du même accès au savoir.
Le sujet avait été peu évoqué dans le pacte éducatif et le programme de campagne du PS/de François Hollande. Les groupes d’experts réunis à l’occasion de Refondons l’école de la République ont rattrapé cet oubli et engagé une réflexion.
Le plan annoncé concrétisera certainement le volet numérique de loi du 9 juillet 2013, pour la refondation de l’école dans la perspective de créer d’un service public du numérique éducatif. La loi de refondation de l’école vise notamment à offrir aux élèves, dans la continuité des enseignements scolaires, des services adaptés à leurs besoins et, aux enseignants, de nouvelles ressources, des formations et des outils. La loi prévoit enfin l’initiation facultative au langage informatique, dans les écoles primaires [4].
Les ministres passent mais les attentes demeurent fortes des enseignant et des parents.
Avant son départ de la rue de Grenelle, Benoît Hamon avait annoncé l’équipement de 9 000 écoles sur les 54 000 non reliées par l’Internet haut débit. L’objectif étant que 70% des élèves du primaire et de collège ainsi que 100% soient équipés à l’horizon 2020 de tablettes dotées de ressources numériques.
Le chantier de l’Ecole numérique est ambitieux, coûteux et nécessaire. Il implique l’entière mobilisation de la communauté pédagogique car les élèves se sont déjà approprié les outils. Dans les prochains mois, les rectorats devront renforcer les plans académiques de formation proposés. En outre, l’Etat et les collectivités territoriales en charge de l’équipement des lycées et des collèges doivent continuer à travailler de concert. Cette coordination déjà complexe [5] nécessitera un effort supplémentaire avec la réforme territoriale en cours.
Loin de célébrer l’école du tout-numérique, le plan numérique pour l’école est aussi une plus-value indispensable apportée à l’enseignement traditionnel. Ce plan est aussi une bonne nouvelle pour l’industrie du numérique en France.
[1] « Je l’annonce ici, il va y avoir un grand plan numérique pour l’école de la République. Bien sûr que nous aurons besoin des collectivités locales pour accompagner ce processus. C’est déjà fait. Mais l’Etat y mettra aussi tous ses moyens pour former les enseignants, pour assurer partout l’arrivée du très haut débit et pour aussi que les éditeurs de livres puissent également mettre les contenus sous forme numérique de manière à ce que chacun puisse y accéder ».
[2] Depuis la rentrée scolaire de 2006, les EPLE ont vu leurs outils logiciels informatiques évoluer dans le sens d’une plus grande convivialité. SCONET par exemple est un logiciel développé par le ministère de l’Éducation nationale (MEN) dans le cadre du Schéma stratégique des systèmes d’information et des télécommunications (S3IT). Cet outil a modernisé l’ergonomie et les liaisons des applications informatiques nécessaires aux besoins propres des EPLE.
[3] Question posée dans le cadre d’une enquête commandée par le Ministère de l’éducation nationale en novembre 2013 en partenariat avec le journal 20 Minutes sur le thème Faire entrer l’Ecole dans l’ère du numérique : Pensez-vous que la France soit par rapport aux autres pays de l’Union européenne en avance ou en retard sur l’intégration du numérique dans l’éducation ?
[4] LOI n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.
[5] Elle nécessite la coordination des techniciens, la conclusion de marchés avec des prestataires de l’industrie numérique, l’adaptation et la mutualisation de services numériques doublement coûteux car proposant parfois les mêmes fonctionnalités…qui elle même ne peut être engagée sans la consultation de « groupe utilisateurs », etc.
A (ré-)écouter aussi sur ce thème, l’émission Service Public du 12/6/2014 sur France Inter :