Un récent rapport du commissariat général à la stratégie et à la prospective, relatif à l’égalité filles-garçons vient d’être remis à Najat Vallaud-Belkacem, Ministre des droits des femmes et porte-parole du Gouvernement. Ce document liste 30 propositions visant à « Lutter contre les stéréotypes filles-garçons, un enjeu d’égalité et de mixité dès l’enfance ».[1]
S’agit-il d’un nouveau pavé dans la mare de l’égalité des genres ? Ce document fait suite à 2 rapports commandés par le gouvernement et portant quasiment sur le même sujet[2]. Il présente 30 propositions innovantes et audacieuses.
La moitié d’entre elles concerne la vie scolaire et le choix d’orientation scolaire. On ne peut que saluer la démarche. Le projet visant à dé-construire des représentations stéréotypées passe effectivement par la pédagogie de l’égalité des genres, menée auprès des plus jeunes. Et l’on sait à quel point la famille, l’environnement social, le message médiatique formatent, pour ainsi dire, les futurs adultes.
L’originalité de ce nouveau rapport ne doit pas être recherchée dans son approche des questions relatives à l’orientation « subie » par les filles[3]; l’Education nationale et les collectivités territoriales y travaillent ensemble à temps plein depuis bientôt deux rentrées scolaires…L’intérêt du rapport réside plutôt dans l’« approche parentale » du sujet. Le document préconise une plus grande implication du père en faveur de l’éducation de l’enfant. Il propose notamment de l’associer davantage aux activités de lecture, de promouvoir auprès des entreprises et des administrations une « charte des temps flexibles positifs » l’accompagnant dans la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, via le job-sharing ou le télétravail (propositions n°1, 2, 3 et 14).
Les auteurs mettent également l’accent sur la socialisation scolaire et insistent sur la nécessité de normaliser l’égalité entre filles et garçons durant les temps de vie scolaire (constitution de groupes mixtes et paritaires dans les classes, généralisation des ouvrages scolaires illustrant cette égalité réelle, etc.).
Une part plus importante aurait pu être réservée au monde de l’entreprise. Les lycéen-nes y sont de plus en plus rapidement confrontés dans leur cursus, à travers les stages obligatoires. S’agissant du marché de l’emploi, les entreprises ont une responsabilité dans la vision stéréotypée dominante. Acteurs économiques, elles définissent pour beaucoup les conditions d’accès à l’emploi, la place et les rôles de chacun-e dans la sphère économique.
Si l’on s’en tient au recrutement, par exemple, les enquêtes montrent l’ampleur de la discrimination en amont et pendant ce processus. Le sexe d’un-e candida-e influe finalement sur le choix final d’embauche…essentiellement en faveur des hommes[4]. Avoué ou non, le critère de disponibilité potentielle des femmes ainsi que les traits stéréotypés qui leurs sont assignés biaisent l’égalité des chances de recrutement des femmes à niveau de qualification égal. L’égalité progresse mais aujourd’hui encore, il n’y a pas d’égalité devant l’emploi (recrutement, poste choisi, perspectives d’évolution de carrière). CQFD.
En fin de rapport, les auteurs pointent un problème de fond : les messages véhiculés par les images délivrés par les médias de masse. La réussite de ce projet – lutter contre les stéréotypes – dépend aussi de nouvelles approches marketing. Le jeune public est la première cible des annonceurs ; la publicité s’autorise tous les raccourcis. Un travail de fond s’impose donc en matière de déontologie publicitaire.[5]
L’ARPP[6], organisme privé et le CSA autorité publique pourraient chacun veiller à la qualité des messages apparaissant dans les médias de masse.
Le rapport constitue donc une avancée. La volonté politique est manifeste. Les outils sont disponibles. L’Etat ne peut à lui seul endosser une telle ambition, mais il lui appartient de donner une forte impulsion et de susciter l’envie de relever le défi.
Les citoyen-nes attendent du personnel politique qu’il montre l’exemple. Najat Vallaud-Belkacem présente cette semaine le projet de loi pour l’égalité des femmes-hommes, devant l’Assemblée.
Alors oui ! « encore un gros effort, messieurs… ».
Michel ROSE.
[1] Le rapport remis à la ministre le 15 janvier 2014 a été coordonné par Marie-Cécile Naves (sociologue), Vanessa Wisnia-Weill (psychologue) et Jean Pisani-Ferry (économiste et commissaire général à la stratégie et à la prospective).
[2] V. Rapport sur L’égalité entre les filles et les garçons dans les modes d’accueil de la petite enfance, N°RM2012-151P, remis en mars 2013 par l’IGAS ; Rapport de l’IGEN N°2013-040, relatif à l’égalité entre filles et garçons dans les écoles et établissements, mai 2013.
[3] V. Filles et garçons sur le chemin de l’égalité, de l’école à l’enseignement supérieur
Statistiques – publication annuelle – DEPP MEN – Édition 2013
[4] On lira avec grand intérêt L. Chaintreuil, D. Epiphane, Bref du Céreq n° 315, oct. 2013, « Les hommes sont plus fonceurs mais les femmes mieux organiées » : quand les recruteur-e-s parlent du sexe des candidat-e-s ; D. Epiphane, N. Moncel, V. Nora Bref du Céreq n° 288, juin 2011, Femmes au bord de la crise…
[5] V. les travaux édifiants de la bloggeuse canadienne Crystal Smith qui montre combien la publicité pour les jouets formate l’esprit des petits garçons. Elle a recensé les mots dans les spots TV pour des jouets respectivement « destinés » aux filles et aux garçons âgé-es de 6 à 8 ans. Le Canada n’est pas la France mais les résultats mettent en relief l’ampleur de discrimination sexuelle, s’agissant les annonces publicitaires.
[6] Il s’agit de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité, qui aurait intérêt à veiller à la création d’une nouvelle règle de déontologie, concernant « qualité » de représentation des genres sur les supports publicitaires.