Aujourd’hui encore, tant au niveau national qu’à l’échelle des régions, le fondement idéologique principal du programme du Front National reste celui du repli sur soi, de l’enfermement pour éviter toute évolution, toute remise en question et, in fine, tout progrès. Il s’agit de se rassurer auprès d’un passé imaginé et reconstruit, érigé en symbole tutélaire et rassembleur, plutôt que de construire un avenir, par nature incertain.
D’où cette vision recroquevillée et protectionniste de la France, mais aussi de chacune des régions, qui apparait, de manière plus ou moins explicite, au sein de chacun des programmes du FN. Ce repli peut se rencontrer au travers de l’importance mise sur le contrôle des frontières, sur les restrictions aux échanges, tant économiques que culturels, sur les restrictions aux libertés fondamentales, à la liberté comme celle d’aller et de venir, restreintes pour des enjeux sécuritaires qui apparaissent instrumentalisés. Cette fermeture de la France, de ses régions, doit permettre à l’hexagone de mieux se protéger d’un extérieur perçu comme éternellement menaçant mais également, et c’est là un mensonge dévastateur, permettre de protéger et de soutenir les classes défavorisées ou celles qui ont peur du déclassement.
“Il est alors de notre devoir de rétablir une vision plus équilibrée et honnête.”
Il est alors de notre devoir de rétablir une vision plus équilibrée et honnête. Certes, il existe des risques et des incertitudes lorsque l’on doit faire face à un avenir plus ouvert. Les pouvoirs publics ne doivent pas les nier mais doivent au contraire accompagner, soutenir lorsque c’est nécessaire et souhaitable et donner à chacun les moyens de s’épanouir au sein d’une société juste, ouverte et partagée. Les enjeux électoraux qui approchent nous obligent à ce devoir d’honnêteté.
Quelles seraient les conséquences probables d’un plus grand contrôle des flux commerciaux ? Ce protectionnisme, souhaité par le FN tant au niveau intra et qu’extra européen, se traduit, au niveau commercial, par l’extension des droits de douane ainsi que des restrictions au libre-échange. Loin de soutenir l’industrie, la fermeture des frontières aurait pour effet de diminuer les échanges commerciaux. Si la France choisit ses partenaires commerciaux, nul doute qu’elle fera aussi les frais de cette sélection commerciale sur ses propres exportations. Le mécanisme de la réciprocité s’appliquera au détriment de l’industrie, qui demeure le moteur du commerce extérieur et de la croissance. Par ailleurs, en raison de l’interpénétration croissante des chaines de valeur et de production, un tel repli affecterait toutes les entreprises, y compris et surtout les PME qui verraient se fermer une grande partie de leurs débouchés. Pour les consommateurs ensuite, cela se traduirait par une hausse forte des coûts de consommation, les biens voyant leurs prix se renchérir et la diversité des produits offerts à l’achat diminuer. Les gains en pouvoir d’achat avaient été chiffrés par le CEPII entre 100 € et 300 € par ménage et par mois. De telles restrictions frapperaient en premier lieu les personnes dont le pouvoir d’achat est le plus faible, celles dont le budget est le plus contraint.
“Ce monde autarcique, celui où l’on pouvait espérer se protéger derrière ses frontières, n’a jamais existé sauf dans les délires des plus grandes dictatures”
Par ailleurs, ce monde autarcique, celui où l’on pouvait espérer se protéger derrière ses frontières, n’a jamais existé sauf dans les délires des plus grandes dictatures. Souvent pour les plus grandes souffrances des populations. Déjà, dans les temps datant d’avant la mondialisation des échanges, d’avant la numérisation de l’économie, les théories économiques, soulignant des faits qui souvent les ont précédés, ont mis en avant la création de valeur issue du développement du commerce. Les sociétés se sont construites sur les échanges de biens, de services, de cultures. Sur la mobilité des capitaux, des hommes et des idées. Ce fut par exemple un des vecteurs du développement du bassin méditerranéen.
Dans un autre domaine, l’Euro, que le FN présente comme le grand responsable de la crise actuelle, ne doit pas être accablé de tous les maux. Si la zone euro est perfectible, les réformes entreprises depuis l’éclosion de la crise le montrent assez, la monnaie unique a aussi été un facteur d’échanges et de développement, permettant à des entreprises de se financer à moindres coûts et d’accéder à de nouveaux marchés. Par ailleurs, cela a protégé de nombreux acteurs économiques de la volatilité des marchés des changes. Les parts de marché perdues à l’exportation, soit disant en raison d’un euro trop fort, l’ont aussi été en raison de problématiques structurelles, propres au marché français et qu’il nous faut résoudre. De fait, ces pertes de parts de marché ont été notamment observées dans les échanges au sein de la zone euro, là où l’effet du taux de change est nul. Il nous faut donc améliorer la qualité de notre production, augmenter la valeur ajoutée produite par une montée en gamme, investir dans la recherche et dans l’innovation, profiter de nos avantages régionaux et des savoir-faire qui y sont développés. Elever le niveau général d’éducation, développer l’enseignement supérieur, les liens entre l’éducation, la recherche et l’entreprise sont des conditions et des clefs pour retrouver la prospérité. A ce titre, le champ du numérique et l’obligation vitale de transformer nos économies productivistes en modèles décarbonés sont de formidables opportunités qu’il convient de saisir, à l’aide de pratiques et d’entreprises encore à développer. Certes, nous ne savons pas encore comment en faire des modèles viables et durables. C’est pour cela qu’il nous faut, ensemble, chercher, persister, essayer et mutualiser nos efforts, par-delà les frontières et non plus seulement à l’intérieur du village gaulois.
Le Front National centre une large partie de son programme économique sur la relance de l’industrie française et le soutien aux classes défavorisées et moyennes. Si ces deux objectifs sont évidemment primordiaux, les mesures proposées pour les soutenir – ou plutôt l’absence de mesures et l’accumulation d’idées vagues, de propos non démontrés et d’arguments d’autorité parfois insupportables – sont contestables.
Le Front National s’appuie, en particulier dans les régions mais aussi au niveau national, sur des appels démagogiques à l’isolement économique et culturel. Il s’agit de défendre, à l’aide de la préférence nationale, les territoires ruraux et industriels déclassés et de défendre les entreprises et les PME locales. Est également mise en avant une certaine idée de la culture, sélectionnée par le pouvoir politique en raison d’une proximité de pensée ou d’un plus grand accord avec ses valeurs (historiques, économiques religieuses,…). Le Front National deviendrait alors le gardien et le mécène d’un univers culturel choisi pour vous.
A l’inverse, nos territoires, nos entreprises, doivent bénéficier des échanges, des marchés qui s’ouvrent à eux. Et c’est au pouvoir politique de les aider, en simplifiant les démarches administratives, en accompagnant de façon plus efficace, en construisant les infrastructures, matérielles et immatérielles, nécessaires à ce développement. Notre pays, nos territoires, nos entreprises peuvent compter sur de nombreux atouts, au premier rang desquels la position géographique de la France, son insertion dans les échanges mondiaux, qu’ils soient culturels, économiques, touristiques,…
“Les erreurs politiques passées sont bien sûr condamnables.”
Les erreurs politiques passées sont bien sûr condamnables. Toutefois, le programme du Front National ne constitue pas une réponse vers un meilleur futur. Il ne cherche que votre enfermement, votre isolement. Lorsque vous glisserez le bulletin dans l’urne, n’écoutez pas votre peur mais votre raison… et votre cœur.