Juliette Méadel, ex-secrétaire d’État à l’aide aux victimes. (JOEL SAGET/AFP)
A l’initiative de Juliette Méadel, ex-secrétaire d’État à l’aide aux victimes, de nombreuses personnalités de tous horizons signent une tribune pour en finir avec l’impunité sur le harcèlement.
Rendons d’abord hommage au courage de ces femmes qui ont su trouver la force, grâce à l’enquête approfondie de Jodi Kantor et Megan Twohey du “New York Times”, de dénoncer les agissements odieux de cet homme : Lysette Anthonyeckinsale, Asia Argento, Rosanna Arquette, Jessica Barth, Kate Beckinsale, Zoë Brock, Liza Campbell, Emma de Caunes, Florence Darel, Cara Delevingne, Dawn Dunning, Lucia Evans, Claire Forlani, Judith Godrèche, Eva Green, Ambre Battilana Gutierrez, Angelina Jolie, Ashley Judd, Laura Madden, Emily Nestor, Louisette Geiss, Rose McGowan, Heather Graham, Gwyneth Paltrow, Zelda Perkins, Tomi-Ann Robert, Melissa Sagemiller, Léa Seydoux, Lauren Sivan, Mira Sorvino… Au fil des heures, la liste des victimes de Weinstein ne fait que s’allonger.
La condamnation de ce comportement a même eu lieu au sommet de l’Etat : pour la première fois le président de la République envisage de retirer la Légion d’honneur à celui que tout accuse d’être l’auteur du harcèlement, et ce avant que la justice ne passe. A n’en pas douter, il y aura un avant et un après l’affaire Weinstein, comme le montre le déferlement de témoignages sur Twitter. Le hashtag #balancetonporc a mis au jour des milliers de récits douloureux, abjects, insoutenables…
Le seul mérite de ce scandale est qu’il aura libéré la parole des victimes qui sont, la plupart du temps, des femmes victimes d’un homme généralement en position de pouvoir. Des femmes, en position de subordination ou sous influence, que tout pousse au silence. Par crainte d’être accusées d’avoir suscité ou provoqué le harcèlement, par peur des regards qui condamnent d’avance, par peur des représailles – professionnelles ou sociales-, du scandale, ce sont des femmes qui s’autocensurent. Elles taisent leurs douleurs, se sentent coupables alors qu’elles sont victimes. Eprouvent de la honte alors qu’elles devraient être en colère. Le pire, c’est que le système fabrique cette auto-censure inacceptable.
Il n’est pas acceptable que 85 % des femmes victimes de harcèlement renoncent à porter plainte. Il n’est pas acceptable que 95 % des femmes qui portent plainte contre le harcèlement perdent leur travail.
- Nous appelons à créer une section spéciale du parquet habilitée à anonymiser la plainte et à enquêter dans le respect de la confidentialité, pour aider les victimes à récolter des preuves. S’il arrivait que la plainte soit connue, les victimes ne devraient pas pouvoir être licenciées pendant la durée de l’instruction.
- Nous appelons à agir pour que ceux qui ont connaissance des comportements du harceleur soient protégés par le statut de “lanceur d’alerte”. Le lanceur d’alerte en matière de harcèlement sexuel serait une personne physique qui révèle ou signale le harcèlement sexuel. Le lanceur d’alerte permettrait ainsi de briser la loi du silence, véritable chape de plomb qui permet aux prédateurs d’agir en toute impunité.
- Nous appelons à accompagner les victimes dans leur parcours judiciaire. Il faudra pour cela doter le ministère de la Justice de moyens d’enquête supplémentaires. Les victimes devront être aidées, sur le plan financier pour la prise en charge des frais de justice. Elles devront être mieux accompagnées psychologiquement et socialement, notamment par les associations de victimes qui sont encore sous dotées matériellement. Nous appelons aussi à réfléchir à l’allongement du délai de prescription des plaintes pour harcèlement sexuel.
- Enfin, nous appelons au lancement d’une campagne d’information et de communication. L’opinion publique doit mieux connaître le délit de harcèlement, pour le prévenir, le dénoncer ou l’empêcher. Plus personne ne doit ignorer ses droits et ses devoirs.
Le harcèlement sexuel est un délit encore trop souvent impuni, surtout pour les puissants. La parole doit être libérée et protégée pour défendre les personnes victimes de harcèlement et leur permettre, enfin, de se reconstruire.
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Les premiers signataires
Juliette Méadel, ex-secrétaire d’Etat à l’aide aux victimes, fondatrice du collectif “L’avenir n’attend pas”
Fabrice d’Almeida, professeur à Paris II Panthéon Assas
Roselyne Bachelot, éditorialiste, ancienne ministre
Laurent Bazin, journaliste, président de “Cause toujours conseil”
Xavier Bertrand, Président du conseil régional des Hauts-de-France
Erwann Binet, ancien député
Florence Bonetti, consultante en stratégie de communication
Sylviane Bulteau, ancienne députée
Luc Carvounas, député du Val-de-Marne
Magid Cherfi, auteur, compositeur, membre des Zebda
Caroline Ducey, Comédienne
Delphine Ernotte, présidente de France télévision
Georges Fenech, ancien député
Flavie Flament, auteure
Hugues Fourage, ancien député
Annick Girardin, Ministre des Outre-mer
Bruno Guillon, animateur sur Fun Radio
Patrick Kanner, sénateur du Nord
Célhia de Lavarène, Journaliste, Ecrivaine
Isabelle Lefort, journaliste
Nathalie Malmberg, membre de la direction du PS et principale de collège en Seine Saint Denis
Marc Melki, photographe
Corinne Narrassiguin, membre du Bureau National du PS
Valérie Pécresse, Présidente du conseil régional Ile de France
Gilles Petit, producteur, Président du Centre national de la chanson des variétés et du jazz (CNV)
Soren Prévost, Comédien
Tatiana de Rosnay, Ecrivaine
Michelle Sabban, présidente R20, fondation pour le climat
Dominique Schnapper, professeur, ancienne membre du Conseil constitutionnel
Coline Serreau, actrice, réalisatrice, scénariste, compositrice et chef de chœur française
Thierry Solère, député des Hauts-de-Seine
Olga Trotiansky, membre du CESE, fondatrice du laboratoire de l’égalité
Manuel Valls, député de l’Essonne, ancien Premier ministre
Alba Ventura, éditorialiste
Marie-Jo Zimmerman, ancienne présidente de la délégation aux droits des femmes 2002-2012