Juliette Méadel, ex-secrétaire d’État à l’aide aux victimes. (JOEL SAGET/AFP)

A l’initiative de Juliette Méadel, ex-secrétaire d’État à l’aide aux victimes, de nombreuses personnalités de tous horizons signent une tribune pour en finir avec l’impunité sur le harcèlement.
Le scandale Harvey Weinstein est révélateur d’un profond malaise. Tout le monde savait, depuis plus de vingt ans, la plupart se sont tus. Les victimes ont été enfermées dans le silence. Nous devons agir, nous devons libérer et protéger la parole des victimes. Pour en finir avec le silence, et pour en finir avec l’impunité.

Rendons d’abord hommage au courage de ces femmes qui ont su trouver la force, grâce à l’enquête approfondie de Jodi Kantor et Megan Twohey du “New York Times”, de dénoncer les agissements odieux de cet homme : Lysette Anthonyeckinsale, Asia Argento, Rosanna Arquette, Jessica Barth, Kate Beckinsale, Zoë Brock, Liza Campbell, Emma de Caunes, Florence Darel, Cara Delevingne, Dawn Dunning, Lucia Evans, Claire Forlani, Judith Godrèche, Eva Green, Ambre Battilana Gutierrez, Angelina Jolie, Ashley Judd, Laura Madden, Emily Nestor, Louisette Geiss, Rose McGowan, Heather Graham, Gwyneth Paltrow, Zelda Perkins, Tomi-Ann Robert, Melissa Sagemiller, Léa Seydoux, Lauren Sivan, Mira Sorvino… Au fil des heures, la liste des victimes de Weinstein ne fait que s’allonger.

La condamnation de ce comportement a même eu lieu au sommet de l’Etat : pour la première fois le président de la République envisage de retirer la Légion d’honneur à celui que tout accuse d’être l’auteur du harcèlement, et ce avant que la justice ne passe. A n’en pas douter, il y aura un avant et un après l’affaire Weinstein, comme le montre le déferlement de témoignages sur Twitter. Le hashtag #balancetonporc a mis au jour des milliers de récits douloureux, abjects, insoutenables…

Le seul mérite de ce scandale est qu’il aura libéré la parole des victimes qui sont, la plupart du temps, des femmes victimes d’un homme généralement en position de pouvoir. Des femmes, en position de subordination ou sous influence, que tout pousse au silence. Par crainte d’être accusées d’avoir suscité ou provoqué le harcèlement, par peur des regards qui condamnent d’avance, par peur des représailles – professionnelles ou sociales-, du scandale, ce sont des femmes qui s’autocensurent. Elles taisent leurs douleurs, se sentent coupables alors qu’elles sont victimes. Eprouvent de la honte alors qu’elles devraient être en colère. Le pire, c’est que le système fabrique cette auto-censure inacceptable.

Il n’est pas acceptable que 85 % des femmes victimes de harcèlement renoncent à porter plainte. Il n’est pas acceptable que 95 % des femmes qui portent plainte contre le harcèlement perdent leur travail.

  • Nous appelons à créer une section spéciale du parquet habilitée à anonymiser la plainte et à enquêter dans le respect de la confidentialité, pour aider les victimes à récolter des preuves. S’il arrivait que la plainte soit connue, les victimes ne devraient pas pouvoir être licenciées pendant la durée de l’instruction.
  • Nous appelons à agir pour que ceux qui ont connaissance des comportements du harceleur soient protégés par le statut de “lanceur d’alerte”. Le lanceur d’alerte en matière de harcèlement sexuel serait une personne physique qui révèle ou signale le harcèlement sexuel. Le lanceur d’alerte permettrait ainsi de briser la loi du silence, véritable chape de plomb qui permet aux prédateurs d’agir en toute impunité.
  • Nous appelons à accompagner les victimes dans leur parcours judiciaire. Il faudra pour cela doter le ministère de la Justice de moyens d’enquête supplémentaires. Les victimes devront être aidées, sur le plan financier pour la prise en charge des frais de justice. Elles devront être mieux accompagnées psychologiquement et socialement, notamment par les associations de victimes qui sont encore sous dotées matériellement. Nous appelons aussi à réfléchir à l’allongement du délai de prescription des plaintes pour harcèlement sexuel.
  • Enfin, nous appelons au lancement d’une campagne d’information et de communication. L’opinion publique doit mieux connaître le délit de harcèlement, pour le prévenir, le dénoncer ou l’empêcher. Plus personne ne doit ignorer ses droits et ses devoirs.

Le harcèlement sexuel est un délit encore trop souvent impuni, surtout pour les puissants. La parole doit être libérée et protégée pour défendre les personnes victimes de harcèlement et leur permettre, enfin, de se reconstruire.

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Les premiers signataires

Juliette Méadel, ex-secrétaire d’Etat à l’aide aux victimes, fondatrice du collectif “L’avenir n’attend pas”

Fabrice d’Almeida, professeur à Paris II Panthéon Assas

Roselyne Bachelot, éditorialiste, ancienne ministre

Laurent Bazin, journaliste, président de “Cause toujours conseil”

Xavier Bertrand, Président du conseil régional des Hauts-de-France

Erwann Binet, ancien député

Florence Bonetti, consultante en stratégie de communication

Sylviane Bulteau, ancienne députée

Luc Carvounas, député du Val-de-Marne

Magid Cherfi, auteur, compositeur, membre des Zebda

Caroline Ducey, Comédienne

Delphine Ernotte, présidente de France télévision

Georges Fenech, ancien député

Flavie Flament, auteure

Hugues Fourage, ancien député

Annick Girardin, Ministre des Outre-mer

Bruno Guillon, animateur sur Fun Radio

Patrick Kanner, sénateur du Nord

Célhia de Lavarène, Journaliste, Ecrivaine

Isabelle Lefort, journaliste

Nathalie Malmberg, membre de la direction du PS et principale de collège en Seine Saint Denis

Marc Melki, photographe

Corinne Narrassiguin, membre du Bureau National du PS

Valérie Pécresse, Présidente du conseil régional Ile de France

Gilles Petit, producteur, Président du Centre national de la chanson des variétés et du jazz (CNV)

Soren Prévost, Comédien

Tatiana de Rosnay, Ecrivaine

Michelle Sabban, présidente R20, fondation pour le climat

Dominique Schnapper, professeur, ancienne membre du Conseil constitutionnel

Coline Serreau, actrice, réalisatrice, scénariste, compositrice et chef de chœur française

Thierry Solère, député des Hauts-de-Seine

Olga Trotiansky, membre du CESE, fondatrice du laboratoire de l’égalité

Manuel Valls, député de l’Essonne, ancien Premier ministre

Alba Ventura, éditorialiste

Marie-Jo Zimmerman, ancienne présidente de la délégation aux droits des femmes 2002-2012

L'Obs