Quels sont, au quotidien comme à moyen terme, les défis à relever pour les professionnels de la petite enfance? Quel regard portent les acteurs sur les structures d’accueil publiques, comme privées? Quels enjeux pour le service public de la petite enfance? Christine Pascalis, répond aux questions de l’Avenir n’attend pas
Directrice d’une crèche associative multi-accueil parisienne accueillant 37 enfants âgés de 18 mois à 3 ans depuis deux ans, Christine PASCALIS est éducatrice de jeunes enfants de formation et a travaillé durant 14 ans pour des collectivités territoriales des Hauts de Seine.
Son environnement professionnel est constitué d’éducateurs de jeunes enfants, d’auxiliaires de puériculture, d’accompagnatrices petite enfance, d’une psychologue et d’un médecin.
LANAP : Quelles sont les 3 principales difficultés que vous rencontrez en tant que professionnelle de la petite enfance ?
Christine Pascalis : Accueillir un jeune enfant en collectivité n’est pas chose aisée. Au-delà de l’accueil du jeune enfant, les professionnels travaillant au sein des structures petite enfance, sont en charge d’accueillir une famille, une histoire, une culture.
L’entrée dans une institution d’accueil peut être une source d’angoisses pour les parents, soit parce que l’accueil ne répond pas aux attentes de ces derniers, soit parce que les représentations des parents envahissent leur capacité à accorder la confiance nécessaire aux professionnels lors de la séparation d’avec leur bébé. En effet, suivant leur vie de couple, de celle avec leur bébé et de leur confiance dans le lieu d’accueil, ils posséderont plus ou moins bien la capacité de contenir leurs angoisses liées à la séparation d’avec leur enfant.
Dès les premiers jours, nous voyons que même si l’institution fait preuve d’une grande capacité à accueillir les parents avec tout le respect, le partage, l’écoute qui leurs sont dus, cela ne va pas de soi. Ces premiers contacts avec les parents lors de la séparation peuvent déterminer les relations qui s’ébaucheront par la suite avec l’institution. C’est une épreuve pour tous les partenaires, l’enfant, les parents et les professionnels.
LANAP :Quels sont les atouts des crèches associatives par rapport aux autres types de crèches ?
Christine Pascalis : Les structures d’accueil étaient majoritairement publiques il y a encore une dizaine d’année.
Quelques associations proposaient leurs services pour la garde de jeunes enfants. Celles-ci se différenciaient par un service plus innovant (crèche parentales, halte-garderie, crèche accueillant des enfants porteurs de handicaps..).
Il s’agit là du véritable atout des crèches associatives, pouvoir innover ainsi que de redistribuer le capital au sein de l’association pour répondre au mieux aux attentes des familles. Le travail en partenariat est aussi facilité par l’inscription des structures d’accueil associatives au sein d’un quartier. Ainsi, il est courant que les associations ayant des intérêts communs prennent contacts les unes avec les autres pour créer un réseau partenarial.
De plus, les collectivités territoriales subventionnent bien souvent les structures associatives d’accueil petite enfance, ce qui permet de répondre aux attentes des familles en termes de création de places de crèches et par extension d’emplois (autant pour les professionnels que pour les parents)
Puis l’autorisation de créer des entreprises de crèche avec vocation de créer du capital est apparue. La course aux « remplissages » des lieux d’accueil est devenue une priorité dans le but de créer de la richesse. Tout cela ne correspond en rien aux besoins fondamentaux du petit enfant, qui a besoin de repères et d’un lieu d’accueil sécurisant pour pouvoir s’épanouir en toute liberté.
Et que dire des missions fondamentales de l’état concernant la priorité de porter en son sein une éducation gratuite et ouverte à tous.
LANAP : Quelles sont vos recommandations pour l’avenir ?
Christine Pascalis : Il me semble, compte tenu du contexte social actuel, qu’il serait préférable de favoriser la création de structures d’accueil petite enfance par le biais des services publics territoriaux ou par la création d’associations à buts non lucratifs.
Cela permettrait d’une part de répondre à une demande légitime des familles et d’autre part de créer des emplois. En effet, en France les femmes ont un des plus fort taux de natalité d’Europe associé au fait que plus de 80% d’entre elles travaillent.
Comme il est entré dans la coutume française d’inscrire les enfants de 3 ans à l’école maternelle (non obligatoire) il serait favorable d’en faire autant pour les établissements petite enfance.
Veillons à ce que les entreprises privées de crèches ne détiennent pas là un « marché quasi exclusif» et très lucratif aux dépens des services publics.
Mais il est aussi nécessaire que la société valorise plus les métiers de la petite enfance souvent méconnus. Consciemment ou inconsciemment, celle-ci ne se soucie guère des qualifications professionnelles et du grand panel de métiers différents présents dans ces institutions. Il est courant de rencontrer une opinion collective qui dirait qu’il suffit d’aimer les enfants pour pouvoir s’en occuper.
LANAP : Avez-vous des suggestions peu couteuses pour l’état et les pouvoir publics ?
CP : Non, toute avancée sociale est couteuse dans un premier temps, c’est dans le long terme que l’état mesurera toute la portée bénéfique de la création de structures d’accueil petite enfance pour tous. La création d’emplois, l’intégration dans une société laïque dès la petite enfance, la mixité sociale et le soutien à la parentalité sont des suggestions gratuites et porteuses de valeurs républicaines.