Par Pierre Dard.
La victoire d’Abdelaziz Bouteflika , réélu pour un 4ème mandat, ne laisse pas beaucoup d’espoir à la jeunesse algérienne….
L’imperturbable Président Bouteflika a vaincu. Malgré, son âge avancé, malgré sa santé fragile, nombreux sont ceux de son entourage, qui l’on poussé à rempiler. Après quinze ans à la tête de l’Etat, après Ben Bella, Boumediene, Bendjedid, Boudiaf et Zeroual, c’est celui qui aura duré le plus longtemps.
Depuis son retour de France le 16 juillet 2013, Abdelaziz Bouteflika, a convoqué peu de Conseils des Ministres, lui seul étant habilité à le faire. Il n’a par ailleurs participé que très rarement à des manifestations publiques. Il a reçu des hôtes étrangers, mais aussi deux français : le Maire de Paris, Bertrand Delanoe fin novembre, puis en décembre le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault.
Abdelaziz Bouteflika n’a guère parlé en public depuis mai 2012 à Sétif (300 km à l’est d’Alger). « Notre génération a fait son temps », avait-il affirmé laissant entendre qu’il fallait passer la main aux jeunes. Mais le Front de Libération Nationale (FLN), son parti, dominant à l’Assemblée Nationale avec 208 élus sur 462, maintient qu’il reste son candidat pour un 4e mandat.
Ses défenseurs mettent en avant un bilan qu’ils jugent positif. Ils parlent de paix retrouvée, du remboursement de la dette algérienne, de multiples réalisations, de perspectives de développement économique, de constructions de logements, de nouvelles facultés, d’hôpitaux etc.
Mais face à ces éloges, et face à une gestion menée par une planification plus que flegmatique et paisible, la colère est tout de même rampante et pesante dans la population. Le chômage gagne. Les jeunes en masse très importante sont désœuvrés : ils voient leur avenir bouché dans une économie exsangue. Les exportations d’hydrocarbures, qui ont constitué le matelas financier du pays, sont en chute libre. L’Algérie a réalisé durant les 11 premiers mois de l’année 2013 un excédent commercial de 10,22 milliards de dollars, contre 20,42 milliads durant la même période de 2012, soit une baisse de 49.95%. Si les recettes pétrolières continuent de s’écrouler, c’est alors toute la stratégie gouvernementale de maintient de la paix sociale qui s’effondre.
Cette fin d’année 2013 et ce début d’année 2014 ont été marqués par de nombreux mouvements d’exaspération sociale : conflits, manifestations quotidiennes à Annaba, émeutes dans la Wilaya d’Alger… La société britannique de recherche et d’analyse Economist Intelligence Unit, dans une étude publiée le 25 décembre 2013, estime que l’Algérie compte parmi les 65 pays les plus exposés à un très haut risque de troubles sociaux cette année, sur les 150 Etats passés au crible par l’institut. S’ils figurent dans ce classement c’est surtout en raison de la lenteur des réponses gouvernementales aux problèmes socio-économiques, explique le Economist Intelligence Unit. Un autre élément devrait aggraver la crise : une corruption très ancienne dont le pays n’arrive pas à se défaire. Ainsi, plusieurs habitants de la ville de Chlef ont reçu des menaces de mort après avoir évoqué une affaire de trafic de détournement de foncier, a récemment rapporté la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme.
La situation est donc périlleuse pour un pays qui s’apprête à vivre un grand tournant de génération. L’Algérie aura-t- elle les ressources et la vitalité suffisantes pour s’échapper par le haut du marasme ? Les élections présidentielles de 2014 seront un moment clé pour la population algérienne. Parmi la société civile algérienne, figurent de nombreux responsables politiques, dans ce pays où la jeunesse ne demande qu’à prendre ses responsabilités. Il en faut beaucoup moins pour donner du sang neuf, et pour irriguer un si grand corps malade.
Le FLN tout puissant en Algérie saura-t-il se contenter longtemps d’un Président lourdement affaibli par un accident vasculaire cérébral. Comment ne pas penser à cet article 88 de la constitution permettant de l’écarter pour raison de santé … Comment ne pas penser à la fin dramatique d’Habib Bourguiba. Face à la dilution de l’autorité de l’Etat, il s’agissait d’organiser un coup d’État, le plus invisible possible. C’est ainsi que l’idée d’un « putsch médical » avait pris forme. Nous savons aujourd’hui ce qu’il advint des tunisiens et des libyens qui ont soutenu cette sombre initiative.
Les algériens gardent espoir, ils le disent, ils le clament, ils le chantent. Ce prochain mandat présidentiel revêt un enjeu énorme après tous les évènements qui ont secoué l’an passé les peuples de méditerranée. Ce pourrait être, qui sait, l’occasion de consacrer les libertés, la démocratie et les droits de l’homme dans ce pays que nous aimons pour toute sa différence, et pourtant imprégné comme nous, autant que nous … des vagues de la méditerranée.
Pierre DARD